Rire de sa maladie permet de la mettre à distance. Certaines
personnes ont plus de facilités que d’autres à recourir à l’humour pour
relativiser la situation.
Pour moi, vaut mieux en rire qu’en pleurer, rire de la
maladie ne signifie pas qu’on la minimise ou qu’on n’affronte pas la réalité en
face. Il ne s’agit pas d’être dans le
déni de la situation, mais de prendre du recul, essayer de baigner dans une atmosphère
positive. Je ne veux pas que la maladie prenne toute la place. Alors il
m'arrive d'en rire, car j’aime trop la vie !
Je constate que, les amis, la famille, les collègues, par peur ou par
maladresse, ne se rendent pas toujours compte de l’impact des mots face à la
personne malade et de la manière dont ils sont perçus. Les non-dits ont aussi
le même effet. Personnellement, je n'y fais pas attention, je comprends le
malaise et les maladresses, il arrive même que cela me paraisse cocasse !
Plus gênant, les médecins qui ne savent pas parler, qui ne
savent pas gérer un refus qu’ils considèrent comme un affront personnel, comme une
remise en cause de leur compétences si durement acquises, alors que ce n'est
pas le cas.
Les médecins qui n’écoutent pas, où seulement quelques mots
avant de placer leur science. Les médecins pour qui, l’important c’est le protocole,
et le reste, du détail. Détail qui, pour nous, fait toute la différence.
Dans cette situation, mon humour n'arrive pas à compenser.
Ce sont des professionnels, nous attendons d'eux qu'ils nous aident, nous
guident, nous rassurent quand c'est possible. Cela engendre la confiance.
Confiance indispensable dans cette situation ou nous plaçons notre vie entre
leurs mains. Nous buvons leurs paroles, mais cela ne nous empêche pas de réfléchir,
de chercher à comprendre, de lire entre les lignes.
Au vu des résultats, je ne peux pas nier que mon oncologue à
fait du bon travail, des choix positifs. Pourtant, il a généré en moi une
certaine méfiance, des incompréhensions, des doutes. La confiance que je lui
porte s'est émoussée au fil de nos rencontres. Ses mots sont rares, mais souvent
percutants au point qu'ils arrivent à fissurer mon armure de combattant.
Vendredi, rencontre avec ma généraliste. Dans ma besace, se
trouvent mes derniers résultats, mais aussi ma dernière scintigraphie., pratiquée
en juillet. La secrétaire constate qu'il
lui manque cet élément. Cela fait plus de trois mois que ce compte rendu
devrait être dans mon dossier ! Mais je vais avoir d'autres surprises.
Ma généraliste est une jeune femme originaire des iles, un
rayon de soleil avec qui je suis en totale confiance. Ce jour-là, elle est très
en retard sur son planning. Malgré cela, elle va me consacrer une heure de son
temps. Avec elle, pas de filtre, tout est dit. Nos échanges sont constructifs
et bénéfiques pour nous deux.
En ce qui me concerne, elle amène toujours une réponse à mes
interrogations et problèmes. Pour elle, je suis un patient qui lui permet de
consolider ses connaissances, car elle a une petite expérience, vu son jeune âge.
Cela ne me fait pas peur. Certes, il y a l'expérience qui compte, mais aussi la
valeur de la personne. La sienne vaut de l'or!
Ses mots sont toujours réfléchis, justes, rassurants, mais
toujours dans la réalité. Ses actions ne sont jamais le fruit du hasard; quand elle
ne sait pas, elle fait des recherches avant d'apporter une réponse. Elle ne
cache pas son manque d'expérience, cela est compensé par un dialogue très
précis autour du problème. Tout le contraire de mon onco qui a l'expérience,
mais ne sait pas communiquer.
Il nous arrive de plaisanter ensemble, autour de la maladie ou
d'autres choses. Mais cette fois je ne suis pas d'humeur badine et elle le perçoit
rapidement. Je lui décris la situation, les points positifs et ce qui entraine
mon malaise. Concluant par la demande d'un deuxième avis médical.
Elle accepte immédiatement, trouvant ma requête légitime
face à mes interrogations. Elle me précise tout de même que mes résultats sont
exceptionnels, un miracle dit elle, car à la base, mes chances sont très réduites
vu l'importance de mes métastases. J'en suis très conscient. D'après les
statistiques, je dispose de moins de cinq ans, mais je me fous des
statistiques, je suis là pour les faire mentir!
Après m'avoir
ausculté sous toutes les coutures ( ce que ne fait jamais mon ange gardien!), elle
me propose un oncologue local. Je lui parle de Bergonié. Elle ne connait
personne dans ce lieu, mais va se renseigner et préparer mon dossier.
Et voilà les surprises! Aucune trace de ma biopsie, le labo
ne lui a pas envoyé, tout juste un rapport succinct de l'onco. Tout comme pour
ma dernière scinti, mais là, elle est dans ma besace! Prémonition?
Au passage, elle me révèle qu'il n'y a eu aucune RCP depuis
un an (RCP : Les dossiers des patients sont présentés lors de ces réunions afin
d'établir le meilleur protocole thérapeutique. La RCP est une réunion capitale
où les professionnels concernés discutent, évaluent les bénéfices et les
risques de chaque patient: Cela signifie que le traitement ne sera pas décidé
par un médecin seul, mais par une équipe de plusieurs médecins).
L'urologue,
malade, n'a pas confié la suite à son remplaçant, donc mon onco travaille seul!
Ce qui explique peut être ses changements d'avis au dernier moment. Elle me
fait part de ses difficultés de communication avec ces deux personnes, ce qui
me conforte dans ma décision.
Elle est surchargée de travail, mais va faire son possible
pour me donner rapidement les éléments nécessaires pour mon rendez-vous à
Bergonié. Je prends congé nanti d'une prescription d'anti inflammatoires pour
mes douleurs ( J'ai refusé le tramadol proposé) .
Voilà,
en attendant, je regarde avec mes yeux, et j'éprouve avec ma sensibilité, chacun de
ces doux matins, sans penser aux" lents demains", je suis encore infiniment
vivant!
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