l'humanité est touchée par ce fléau que l'on nomme cancer. Ce mot qui fait peur, mot qui tant que l'on est pas touché, nous essayons de laisser loin de nos pensées. Pourquoi ce nom, Antidote, parce qu'aujourd'hui, je fais partie, de ces hommes et de ces femmes qui réalisent tout ce que cela implique, ce bouleversement majeur de sa vie. Sa vie ... elle ne tient qu'à un fil, l'espoir que la science à les outils qui vont te sauver. Alors Antidote pour essayer pour partager, échanger, se renseigner, exorciser sa peur , espérer... l'écriture pour aider.

17 juin 2017

Cancer de la prostate et métastases, le bilan




Inspirez, bloquez votre respiration ... respirez. C’est simple, ce n’est pas douloureux, c’est rapide. Ce qui est douloureux, c’est la suite.

9 juin 2017. Veille de mes 59 ans. Une année écoulée, à s’accrocher pour rester dans la course des  vivants. Cette nuit-là, une brusque montée de température s’est invitée dans mon quotidien. Un petit 38, sans raison apparente, comme cela, pour le fun. Histoire de me rappeler à la réalité de la maladie.  Comme la dernière fois, retour à la normale avec un simple doliprane.

Ça y est, je retourne le sablier, pour une nouvelle aventure. Des céphalées m’accompagnent tout au long de la journée, me scandant " bon anniversaire". Bien sûr, c’est le week-end, et en cas de besoin il ne me reste que les urgences.

Ce soir je suis invité chez des amis. Pas question de manquer cela. Alors je m’accroche. Pas d’agitation, repos forcé pour être en forme ce soir. Cela fait une semaine que toutes mes activités sont au point mort. Je me sens épuisé; toute action me demande des efforts difficiles à produire.

J’essaye désespérément de monter les réservoirs d’eau grises sous mon van. Je n’y arrive pas, et m’épuise encore plus. Pour la deuxième fois, je vais solliciter de l’aide. C’est pour le week-end prochain.

La soirée fut un régal. Penser et vivre autre chose que la maladie. Le lendemain mon amie céphalée m’a accompagnée toute la journée, mais qu’importe. Une soirée entre amis vos toutes les thérapies!

Je suis plutôt du genre obstiné. Alors je ne peux m’empêcher de retourner sous le châssis de mon van. Une journée de lutte, et un des réservoirs est enfin en place...mais a quel prix. Ma compagne est mécontente, car  je suis épuisé, à cause de mon obstination. La fatigue aidant, je me suis blessé plusieurs fois, mais la rage de vaincre a été la plus forte. Mercredi et jeudi, je traîne péniblement ma douloureuse carcasse, payant les efforts de ces derniers jours.

Et puis il y a l’attente des résultats du bilan demandé pour vendredi. L’anémie s’accentue doucement, mais sûrement. Cela n’arrange pas le côté épuisement! Et voilà le résultat des PSA. La baisse n’est pas significative. De 39,14, je passe à 30,84. Pas terrible.

Le scanner approche. L’heure de vérité. Je suis serein, pour l’instant. La série de chimio ne peut qu’avoir amélioré les choses. Restons positifs.

Inspirez, bloquez votre respiration ... respirez. La machine ronronne. Cela m’a semblé très rapide même pas le temps de rêver à la porte des étoiles! Et voilà le temps de l’attente
.
Ma compagne se ronge les ongles; elle est étrangement éteinte. Je me sens très calme. Mon nom résonne dans la salle d’attente. Nous sommes conviés dans un petit bureau à l’écart. Mes alarmes se mettent à crépiter. C’est la première fois que l’on nous prend à l’écart. Cela ne sent pas bon.

La nouvelle est annoncée sans ménagement. Le traitement n’a pas fonctionné, votre métastase c’est étendue de manière significative, il faut voir l’oncologue ... au revoir

Coup de massue entre les deux oreilles! En une fraction de seconde, je viens de revêtir mon masque d’impassibilité. Je sais qu’aucune de mes émotions ne passe sur mon visage. Ma compagne est effondrée. Elle essaye de faire bonne figure, mais n’y arrive pas. J’essaye de la rassurer.

C’est en silence que nous rejoignons le cabinet de l’oncologue. C’est en silence que je l’observe alors qu’il prend connaissance des résultats.

C’est la deuxième fois que je suis en mesure de lire sur son visage. Je vois l’inquiétude, la lutte interne pour trouver une solution. Son visage se marque, la réflexion est intense. Je reste caché derrière mon filtre d’impassibilité, mais je suis suspendu à ces lèvres. Ma compagne ... je l’ai perdue ...elle est dans une sorte de rêverie, le regard lointain, le visage marqué. Je sais depuis longtemps qu’elle nie la réalité; mais la réalité vient de la rattraper sans ménagement ... et cela me fait mal.

Après ce long monologue intérieur, mon ange gardien prend la parole. Il est hésitant. Il m’explique qu’il va falloir changer de molécule; à moins que l’on envisage différentes formes de radiothérapie, ou bien une intervention chirurgicale, ou peut-être ... en fait, il n’en sait rien.

Il décide enfin de me donner rendez-vous vendredi pour une chimio avec du Jevtana. Il prévient le service  de sa décision. La cadre refuse, car elle est surbookée. Il ne lui donne pas le choix. Je vais être bien accueilli dans le service!

Puis il se retourne vers moi." Je présente votre cas en commission lundi. Je vais voir ce que l’on peut vous proposer; pour le moment je vous donne rendez-vous vendredi, mais je vous appelle si nous avons autre chose à vous proposer". Je ne peux que donner mon accord, mais mon moral vient de perdre cinq points brutalement.

Le retour se fait dans le silence. J’observe les Bordelais sur les quais, aux terrasses des cafés, profitant de la vie. Je ne me sens plus tout à fait de ce monde...

Sur le chemin de retour, ma compagne écrase quelques larmes en silence. Je ne quitte pas mon masque, il me protège pour l’instant. Nous devions prendre la route dans la semaine pour quelques jours de détente, première sortie officielle du van. C’est annulé.

À l’heure où je pose ces quelques mots sur la page, mon moral est au neutre. Je suis dans une période d’attente, ou mon sort est entre les mains de la médecine. Je ne contrôle rien, je ne suis rien, je n’ai besoin de rien, ou plutôt si, d’un peu d’espoir et de chance.

Je reprends le cours de ma vie, du moins de ce qu’il en reste, l’histoire n’est pas terminée, ce n’est pas aujourd’hui que je fais mon pot de départ. Aujourd’hui, je remets mon armure de samouraï pour affronter mon destin.

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