lors de ma dernière visite chez l’oncologue, ce dernier m’a
annoncé qu’il ne me restait deux séances de chimiothérapie, puis examens. Il a
cru bon de rajouter « faut pas croire que cela va durer indéfiniment ».
Pourquoi cette précision ? Croit-il que je suis idiot au point de croire
qu’il va m’administrer ce produit jusqu’à la fin des temps. Il m’arrive de ne
pas apprécier ses réflexions, ses non dits, cette position de toute puissance.
Je ne suis pas un patient particulièrement docile. Je compte
garder la main sur les évènements, sur les décisions. Ma plus grande crainte, être
emporté dans un tourbillon que je ne contrôle plus. Être totalement sous la coupe
du corps médical et perdre mon libre arbitre. Cela me rend méfiant.
Il n’est pas en mesure de savoir comment cela va évoluer, il
navigue à vue. Donc il se protège, très prudent dans ses propos. Mais parfois
il ne se rend pas compte qu’une petite phrase peut déclencher une foule d’interrogations
et d’interprétations chez le patient.
Avec le temps passé à se confronter au cancer, nous devenons
une sorte d’expert de cette maladie. Nous apprenons à bien connaître notre
corps. Nous décodons ses réactions. Les douleurs sont passées au crible et
classées en catégories. Nous arrivons à savoir les attribuer au traitement ou à
l’évolution de la maladie.
Nous connaissons les effets secondaires sur le bout des
doigts. Nous savons s’il faut s’en inquiéter ou ci cela est « normal ».
C’est ce combat que nous menons au quotidien qui nous permet de garder un pied
dans la réalité et de continuer à appartenir au club des vivants.
Faire face à la maladie, ce n’est pas une question de
courage, mais de force, force à puiser tout au fond de soi. S’autoriser à
exprimer cette souffrance est important, cela permet de rester soi-même au sein
de cette tourmente.
Si nous apprenons à décoder les signaux de notre corps, il
en va de même pour l’esprit. Je considère qu’il est mon plus grand allié. Grâce
à lui, je revêts mon armure de guerrier (je sais que certains n’aiment pas ce
langage) et participe activement à chaque bataille.
Mon imaginaire est très actif. Quand je pense à cela, des
images se forment. Je me transforme en samouraï, en maître yoda ou Huk suivant
les circonstances. Cela peut faire rire, mais pour moi, c’est vital, cela m’aide
à résister, à gérer mes angoisses, mes douleurs, et surtout à garder le cap que
je me suis fixé. Garder ma liberté d’agir et de penser ! Il y a longtemps
que je ne regarde plus derrière moi en me demandant pourquoi moi, pourquoi
cette épreuve. Je regarde droit devant, me lance des défis, me disant « pourquoi
pas », et je dois cela à mon mental.
La disparition de mes frères de combat les plus proches a
laissé de profondes blessures en moi. Il ne passe pas un jour sans que je ne
pense à eux. Je vais régulièrement relire des passages de leurs blogs ou les
mails que nous avons échangés. L’image de leur visage se forme en moi, ils sont
toujours présents...
Actuellement je subis le contrecoup du cumul
chimio/radiothérapie/hormonothérapie. Les effets secondaires se multiplient, à
commencer par une énorme fatigue. Les brûlures de l’œsophage annoncées par le
radiologue sont au rendez-vous. Les ongles des pieds font triste mine. Le
transit est fortement perturbé. Les céphalées omniprésentes, le sommeil
perturbé...
Cela ne m’empêche pas de multiplier les escapades. Ma
compagne et moi même (et le chien) allons prendre la route pour dix jours, en
espérant que tout se passe bien. La pharmacie est bourrée à bloc, les numéros
de téléphone dans le carnet... au cas ou. Je suis obligé de faire de nombreuses
poses, de dormir plus que de raison, mais qu’importe, le plaisir est là.
Je vais donc m’absenter du blog pendant quelques jours et
profiter de mère Nature. Puis rentrer pour la cinquième chimio de la série, car
ma réalité c’est quand même celle-là !
Si vous croisez « carpe diem » sur la route, n’hésitez
pas à venir me voir, c’est avec plaisir que j’échangerai quelques mots et un
verre avec vous !
Prenez soin de vous.
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