l'humanité est touchée par ce fléau que l'on nomme cancer. Ce mot qui fait peur, mot qui tant que l'on est pas touché, nous essayons de laisser loin de nos pensées. Pourquoi ce nom, Antidote, parce qu'aujourd'hui, je fais partie, de ces hommes et de ces femmes qui réalisent tout ce que cela implique, ce bouleversement majeur de sa vie. Sa vie ... elle ne tient qu'à un fil, l'espoir que la science à les outils qui vont te sauver. Alors Antidote pour essayer pour partager, échanger, se renseigner, exorciser sa peur , espérer... l'écriture pour aider.

5 avr. 2018

Jour de colère





Médecin, c’est un beau métier, un des rares métiers où un humain se déshabille devant vous, et vous livre ses secrets, secrets que vous serez les seuls à connaître. Mais cette confiance, il faut la mériter..

À ce jour, j’ai pris deux ans et demi de bonus de vie, avec soucis. Drôle de sentiment. Je mets des mots sur tout cela, sur la vie qui a basculé, en un instant, un futur qui dérive dans un monde parallèle à l’équilibre fragile. L’obscurité met en lumière mes fêlures, mes fragilités, et mes mots les traduisent

Ma confiance en mon oncologue est au point le plus bas. Je ne suis plus en phase avec son cheminement d’idées. Ma rencontre de mardi fut brève. Manifestement mon cas l’ennui, il navigue à vue, fonction de ce que je lui dis, mais n’amène rien de nouveau, rien qui laisse présager qu’il en a encore dans sa besace pour prolonger mon sursis. Mais il ne le dit pas. Je dois imaginer, lire entre les lignes, me créer des scénarios, bref avancer dans le brouillard.

L’hiver ne semble pas vouloir en finir, et moi, je ne peux le quitter. La pénombre règne, mais où est la lumière ? J’ai la sensation de m’effacer doucement. Pourquoi est-ce que je ne m’habitue pas ? J’aimerais tant remonter le cours du temps au lieu de regarder la mort dans les yeux à longueur de journée, me demandant à quel moment le vide va m’entraîner.

J’ai arrêté tous les traitements annexes. Corticoïdes, anti nauséeux, anti dépresseurs, anti tout ce que vous voulez ! Je sature. Je me fais violence pour avaler quelque chose de consistant à chaque repas. La digestion est de plus en plus compliquée. La masse qui squatte mon foie est maintenant bien visible et palpable. Elle compresse l’estomac, les poumons, entraînant ces difficultés à digérer, et a respirer correctement.. C’est mon ennemi le plus sévère, celui qui va m’emporter sans aucun doute.

Mon poids et en chute libre. J’ai souvent de moments de faiblesse, mon activité physique est de plus en plus réduite, et de toute façon quasi impossible. Je continue à mettre un point d’honneur à dormir à l’étage malgré les difficultés, et à ne plus y retourner de la journée.

J’ai du faire une concession dans la salle de bain. Le rajout d’une chaise pour m’aider lors de la phase d’habillage, car je suis parfois à la limite de la chute, ce que je ne peux me permettre, les conséquences sur mon ossature pouvant être importantes. 

Cela fait bientôt trois semaines que je ne conduis plus. Je ne me sens pas assez confiant dans mes capacités. Cela me manque. Encore une réduction de ma liberté. 

Je rêve toujours de moto. Mon plus grand regret, m’être séparé de cet engin, mais je ne pouvais faire autrement. Mon projet de canam spyder, trois roues et une marche arrière, est passé à la trappe. Je sais maintenant que c’est terminé. De bons moments qui vont rester à l’état de souvenir, ravivés par chaque passage de deux roues... veinards !

Continuez à lutter, mais contre quoi ? D’abord contre moi même, ne pas baisser les bras, continuer à chercher ce rayon de soleil qui se fait de plus en plus rare. Contre ce colocataire, qui a défoncé sa cage et que rien ne semble pouvoir arrêter. Lutter contre le corps médical qui ne m’apporte plus de réponse concrète et me laisse divaguer dans la pénombre. Lutter pour qu’il prenne en compte que je suis encore bien vivant et combatif, prêt à tout ce qui est possible d’accepter pour terrasser la bête.

Lutter aussi pour que l’on puisse choisir sa fin de vie, eh oui, j’y pense de plus en plus souvent. (Pour ceux qui sont en phase avec cette idée, rendez-vous sur ma page Facebook, 
https://www.facebook.com/Lutte-contre-le-cancer-1730349690519469/ ou vous trouverez une pétition pour la mise en place d’un referendum sur la question)

Quand la souffrance est trop grande, que le pronostic vital est engagé, j’estime qu’un petit coup de pouce pour partir dignement est humain. Bien sûr il se pose la question de qui va le faire. Personnellement, branchez-moi un cathé, la seringue dessus et je vais appuyer sur le piston, volant au passage le droit à mon colocataire de prendre en plus de mon corps, mon âme !

Je sais que tout le monde n’est pas en accord avec cette vision des choses. Mais quand on est en première ligne, que l’on se voit se dégrader, que l’on sait que les souffrances physiques liées à la maladie vont devenir insoutenables, et bien, le choix, il est évident, et sans appel !

J’ai du temps pour penser, retourner tout cela dans mon esprit, encore et encore. Il y a la façade, ce que je présente aux proches, aux amis, mes sourires, l’humour, le physique, certes abîmé, mais qui reflète encore la vie. Mais n’est-ce pas qu’un reflet ? 

Et il y a la réalité, un mal-être de plus en plus important qui mine les pensées, bouffe l’énergie, dont je suis conscient, et contre lequel je fais front, juste qu’a la tombée de la nuit, aux insomnies, au regard rivé sur le plafond, lorsque le corps se repose et que l’esprit s’envole...

Je ne sais pas si parmi les lecteurs il y a des médecins. Mais j’aimerais qu’ils puissent lire tout ce qui leur échappe, et finissent par traiter le patient comme un tout, un corps, un esprit, un humain, pas simplement une succession de symptômes traités à l’emporte-pièce. Qu’ils comprennent notre besoin de comprendre le cheminement, comprendre le bienfait de chaque action, donner du sens à tout cela.

Je crois que je vais arrêter là mes élucubrations.

C’est mon jour de colère, besoin d’évacuer le trop-plein. La feuille blanche, c’est bon, cela défoule. En plus elle n’est pas contrariante, elle écoute, retranscrit, tout cela sans filtre.

Lundi, chimio... pourquoi ?


Merci Luc pour cette visite qui m'a redonné le sourire. Pas de Spyder mais peut être un vélo électrique, pourquoi pas!

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